1770-11-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Firmin de La Croix.

J’ignorais, Monsieur, la triste fin de nôtre ami l’abbé Audra; elle me pénêtre de douleur.
Je lui avais écrit il n’y a pas quinze jours; la Lettre doit être au bureau de la poste. Nous vous aurons grande obligation le mort et moi (suposé que les morts soient sensibles) de vouloir bien la retirer.

Je ne manquerai pas d’écrire à Mr le premier Président Niquet, mais je crois que vôtre mémoire fera beaucoup plus d’effet que toutes les Lettres du monde. Vous servez la cause de Sirven avec autant de générosité que d’éloquence. Je prendrai, et je tâcherai de faire vendre des exemplaires.

Il est très vrai qu’on a beaucoup de peine à vivre actuellement vers la Suisse. Le bled y est d’une cherté excessive, ainsi que dans nôtre petite province. Le septier de Paris vaut plus de cinquante francs dans nos quartiers. Je vais tâcher de soulager les filles de Sirven et les engager à attendre la décision. Je doute fort que Mr le Procureur général soit favorable à Sirven, mais je suis très sûr que vous lui concilierez tous les suffrages. La mort de ce pauvre abbé Audra n’a fait qu’augmenter vôtre zèle. Je pleure sa perte, ma consolation est que Sirven a trouvé en vous un protecteur qui ne l’abandonnera point.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur

V.