1768-03-08, de — Dantan à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Vous soulagez les malheureux, vôtre cœur est entier pour L'humanité, et les Exemples que J'en ay, ont produits les Effets de la plus grande sensibilité, et l'âme attendrie de vos générosités, trouvera toujours une consolation en vous faisant La peinture des maux qu'elle a éprouvée.

Je suis Le 4e Enfant qui gémit sur les malheurs de nos pères et ayeul et plongé dans L'indigence, nous avons tenté le recouvrement auprès de sa Majesté d'une somme de 248533lt 13 que nous avons Justifiée être düe pour la Nourriture de Louis quatorze, et Louis XV et Leurs Maisons. Tous les Boulangers fournissant des particuliers ont le droit assuré d'une préférence pour le payement de leur fourniture. Dans La position où nous sommes, nous ne réclamons nos Créances qu'à ce seul Titre. Nos pièces produites entre les mains du Ministre sont des actes certains, approuvés, et reconnus.

Il y a près de 2 ans, que M. Le Contrôleur général, et M. de Boulongne, Intendant des Finances, ont nos Titres entre les mains avec des Mémoires dictés par la sensibilité de nos maux; mais quelques efforts, que nous ayons pu faire, nôtre Eloquence peut-elle toucher? Ne sçachant plus quel parti prendre après les délais qui nous sont donnez, nous avons regardé, qu'une personne qui fléchit les cœurs, ne pourroit que nous être très favorable, et fondant nos espérances sur la bonté du Roy, nous nous sommes permis de vous suplier de lui faire parvenir le récit de notre indigence. Nous serions heureux, si, étant Porteur nous mêmes d'une Epitre touchante nous avions l'avantage de pouvoir la présenter à sa Majesté. Vous seul Monsieur, pouvez tout notre bonheur, et informé de nos peines ils ne nous reste qu'à vous assurer des vœux qui seront aussi Eternels dans nos Cœurs que vôtre immortalité.

Dantan