1770-09-15, de François Louis Claude Marin à Voltaire [François Marie Arouet].

Mais dites moi donc, Monsieur, si vous avez reçu les portraits de M. le Duc de Choiseul qu'on m'a dit au bureau des postes devoir vous être parvenu?
Cette affaire me tient au coeur parceque je serois au désespoir que vous pussiez me reprocher d'avoir négligé une seule de vos Commissions.

Non, parbleu, je ne me suis point meslé de la visite faite chez l'enchanteur Merlin. Je l'ai même ignorée longtems. On ne me parle jamais de ces sortes d'expéditions parcequ'on sçait combien je suis ennemi du mal, et combien je crie avec vigueur lorsqu'on le fait.

Notre grand Philosophe D'Alembert, qui part demain pour Ferney vous en apprendra bien d'autres. Il vous dira comme quoi on a lû a l'académie un beau Discours, comme quoi le public a eu la malice d'y entendre finesse et d'y faire des applications, et comme quoi le beau Discours a été saisi en manuscrit et ne s'imprimera point.

Chirol est un drôle de corps. Je lui écris pour lui laver la tête, et je ne sçais si mon sermon le rendra plus sage.

Il faut suspendre son Jugement sur le Confesseur de l'archevêque, nous verrons ce que le Parlement en décidera. Il faut bien qu'il ne soit pas aussi innocent qu'il le dit puisqu'on le garde toujours en prison.

Votre Catherine nous taille des croupières.

Ses succès que vous avez prédit pourront bien nous amener la Guerre. Voilà dix Esclaves qui entrent dans la Méditerrannée, et tous ces vaisseaux qui ont tant de canons seront sûrement tentés d'en lâcher les uns contre les autres, et tout ira au Diable.

Présentés mes hommages à Madame Denis, et recevez les assurances de tous mes sentiments.

Marin