16 d'avril [1765]
Mon cher appui de la raison, c'est bien la faute à frère Gabriel, s'il a lâché trois ou quatre exemplaires à des indiscrets; mais, ou je me trompe fort, ou jamais Merlin n'aurait osé rien débiter sans une permission tacite; et, malheureusement, pour avoir cette permission de débiter la raison, il faut s'adresser à des gens qui n'en ont point du tout.
Si on en fait une édition furtive, alors Gabriel débitera la sienne. Fournissez nous souvent de ces petits stylets mortels à poignées d'or enrichies de pierreries, l' inf……sera percée par le plus belles armes du monde, et ne craignez point que Gabriel y perde.
Vous avez bien raison de citer les vers des Plaideurs: Que de fous !&c.; mais il ne tiendra qu'à vous de dire bientôt: Que de fous j'ai guéris! Tous les honnêtes gens commencent à entendre raison; il est vrai qu'aucun d'eux ne veut être martyr, mais il y aura secrétement un très trand nombre de confesseurs, et c'est tout ce qu'il nous faut.
Jean Jacques, dont vous me parlez, fait un peu de tort à la bonne cause; jamais les pères de l'église ne se sont contredits autant que lui. Son esprit est faux, et son cœur est celui d'un malhonnête homme; cependant il a encore des appuis. Je lui pardonnerais tous ses torts envers moi, s'il se mettait à pulvériser, par un bon ouvrage, les prêtres de Baal qui le persécutent. J'avoue que sa main n'est pas digne de soutenir notre arche; mais,
Frère Helvétius réussira sans doute auprès de Frédéric; s'il pouvait partir de là quelques traits qui secondassent les vôtres, ce serait une bonne affaire.
Adieu, mon cher maître et mon cher frère; je m'affaiblis beaucoup, et je compte aller bientôt dans le sein d'Abraham qui n'était, comme dit l'Alcoran, ni juif, ni chrétien.