1770-08-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Denis a raison, mon très cher Philosophe; c'est à vous qu'il en faut une.
Après votre lettre, la sienne est celle dont je suis le plus charmé. Je sais taire les faveurs des vieilles maitresses avec qui je renoue. Ce rapatriage ne durera pas long temps, par la raison que je m'affaiblis tous les jours.

Vous partez, dit on, avec mr de Condorcet; je vous avertis que vous épargnez 25 lieues en passant par Dijon et par chez nous. Vous aurez le plaisir de voir en passant Geneve punie par la vengeance divine; et vous pourrez en faire votre cour à Frère Ganganelli.

Voici un petit morceau qui est à peu près en faveur du maitre dont il est vicaire. Je ne crois pas que Denis trouve bon que je chasse sur ses terres; mais je ne crois pas non plus qu'il ose paraître fâché. Quoi qu'il en soit, voici la drogue que je vous ai promise. Je vous prie surtout de lire mon avanture avec mr Rouelle. Mon petit cheval de trois pieds me paraît une démonstration assez forte contre certain conte des mille et une nuit.

Adieu, mon très cher voyageur; madame Denis se joint à moi pour vous prier de passer par chez nous en allant voir le st, à qui vous ne manquerez pas de faire mes tendres complimens.