1770-06-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Robert Jacques Turgot.

Monsieur,

Une vieillesse très décrépite, et une longue maladie, sont mon excuse de ne vous avoir pas remercié plutôt de l'honneur et du plaisir que vous m'avez fait.
J'ajoute à cette triste excuse l'avis que vous me donnâtes, que vous alliez pour longtems hors de Paris.

J'emploie les premiers moments de ma convalenscence à relire encor vôtre ouvrage, et à vous dire combien j'en ai été content. Voilà la première traduction où il y ait de l'âme. Les autres pour la pluspart sont aussi sèches qu'infidèles. Je vois dans la vôtre de l'entousiasme, et un stile qui est à vous. Qui traduit ainsi méritera bientôt d'avoir des traducteurs. J'aplaudis à vôtre mérite autant que je suis sensible à vôtre politesse.

J'ai l'honneur d'être avec une estime respectueuse

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire