1770-05-13, de Louise Honorine Crozat Du Châtel, duchesse de Choiseul à Marie Anne de Vichy-Chamrond, marquise Du Deffand.

Je vous envoie, ma chère petite-fille, une requête que Voltaire m'a envoyée.
Vous verrez qu'elle est adressée au roi, et qu'il dit en note que l'instance est au conseil. Cet écrit, comme vous pensez bien, n'est pas fait pour être amusant, mais le sujet en est très intéressant. La cause qu'il défend est certainement bonne en soi; mais je crains bien que la manière un peu trop philosophique dont elle est traitée et le nom de Voltaire y nuisent beaucoup. Comme il ne m'a point écrit en me l'envoyant, je suis ravie de n'avoir point à lui répondre à ce sujet; mais comme le commerce de lettres que vous avez avec Voltaire est plus régulier que le mien, je vous prie, la première fois que vous lui écrirez, de lui accuser pour moi la réception de cette requête et de l'en remercier. Dites lui en même temps, vous qui êtes en droit de lui tout dire, que vous ne lui conseillez pas de badiner avec le roi, que les oreilles des rois ne sont pas faites comme celles des autres hommes, et qu'il faut leur parler un langage plus mesuré.

Je vous prie aussi d'envoyer la requête au grand-papa, dès que vous l'aurez lue; je la lui annonce, et j'aime mieux la lui faire passer par vous que vous la faire passer par lui, parce qu'il l'aura sûrement et promptement de cette manière, et que je ne répondrais pas que vous l'eussiez jamais de l'autre….