à Ferney jeudi matin [5 April 1770]
Bideleu qui loge au château de Ferney, ce même homme qui fait batiser son fils comme français, et qui prend huit bannis pour parrains, s'est avisé de faire porter à Geneve hier par mon courier un paquet contenant trois exemplaires de la lettre circulaire des natifs.
Un auditeur a arrêté mon courier dans la rue et lui a pris son paquet.
Ce courier que j'ay l'honneur d'envoier à M. de Caire, dit que l'auditeur lui demanda, n'êtes vous pas le courier de Versoi? et qu'il répondit, je le suis. J'ignore si l'auditeur est instruit que ce garçon soit mon courier. Mais il est vrai qu'il ne l'a arrêté que comme messager venant de Versoy, que comme Français venant à Geneve, et qu'il lui a pris son paquet, au hazard, sans pouvoir savoir ce qu'il contenait. Il est donc clair que ce polisson d'auditeur a cru insulter les Français, qu'il a cru quand il lui a pris son paquet, prendre celui d'un Français, et peutêtre un paquet de M. de Caire.
Ce n'est que dans une guerre ouverte qu'on en use ainsi. Je pense que Monsieur de Caire peut écrire le fait au ministre, sans dire de quelle part venait le courier. Il suffit qu'un auditeur ait eu l'insolence d'arrêter un homme et de le voler sous prétexte que cet homme venait de Versoy. Cet excez d'impertinence redoublera les bons sentiments que le ministre conserve pour cette cohue; et ne peut faire qu'un effet avantageux. On s'en remet entièrement à la prudence de Monsieur de Caire. Les lettres aux ministres dans les quelles on ne leur demande rien, et qui les instruisent simplement des faits sont toujours bien reçues. L'auditeur qui a dévalizé un Français, et qui a cru dévalizer un Français de la nouvelle ville où M. de Caire commande, s'appelle Naville.
On présente ses respects à Monsieur de Caire.
V.