1770-05-23, de Pierre Lullin à Jacques Necker.

Mr le Résident informa la semaine dernière Mr le sindic de la Garde que le nommé Dufour, Natif, établi à Fernex, avoit été insulté en ville par un Citoien nommé Fé, dit la Line, que Mr De Voltaire se proposait d'en écrire à Mr le Duc de Choiseul, afin qu'il eût connoissance de la manière dont on traitoit ici les Natifs retirés dans le Païs de Gex: il fut convenu avec Mr le Résident que Dufour viendroit, qu'il donneroit sa déclaration, & qu'on informeroit; Mr le Sindic de la Garde manda Fé, qui lui dit que passant à Fernex il avoit été insulté par une femme qui étoit à la fenêtre, & qu'ayant rencontré à St Gervais Dufour, il lui demanda s'il autorisoit sa femme à insulter les passans, que Dufour répondit que ce n'étoit pas sa femme, mais celle de Bacle qui l'avoit insulté, & qu'il méritoit ce qu'elle lui avoit dit, qu'alors il se disposa à lui donner les étrivières parce qu'il est de petite taille, & que lui étant grand et vigoureux, il ne vouloit pas abuser de ses forces: cet aveu & l'information prouvoient qu'il lui avoit mis la main dessus; le Conseil a renvoié le jugement à Mrs de la Justice, qui ont condamné Fé à demander pardon, à être censuré, à deux jours de prison & aux dépens: comme Mr le Lieutenant rend tous les jugemens en public, cette censure produit plus d'effet, parce qu'il y a toujours beaucoup de monde à l'audience, au lieu que les censures faites en Conseil se font plus souvent à huis clots….

J'ai crû nécessaire de vous informer de ce détail, par ce qu'il pourroit assurer que Mr de Voltaire eût écrit, & que peut-être le jugement lui ait paru trop doux.