1769-10-10, de Pierre Paul Sirven à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Les deux lettres des 3 7bre et 24e du même mois, que vous avés bien voulu daigner m'honorer me sont parvenue; la première par la voye de la digne dame Madame La veuve feu Me Lavaysse, la seconde c'est mon juge substitué qui me l'a remise décachetée.
J'ignore comment elle est tombée entre ses mains. Recevés je vous en supplie Monsieur mes très humbles actions de grâces. J'avois besoin de vôtre encouragement, car j'étois démonté. Vous le jugerés de même, si vôtre tendre compasion se fait lire la rélation que je prens la liberté de vous faire passer cy Joint; et combien j'ai besoin dans ma situation de la continuation de vôtre protection! Ces premiers officiers de Justice mettant tout en usage pour me surprendre, obscurcir, même écarter les preuves de la vérité; et de me détenir dans leurs prisons. J'ose espérer Monsieur de vôtre bon cœur compatissant envers les Innocens opprimés, que vous ne me refuserés pas vos secours. Mon cœur est pénétré de la plus vive et, de la plus juste reconnoissance des biens faits que m'avés comblé de même que ma chère famille; et continuera Jusques à son dernir soupir ses vœux les plus ardens et les plus sincères pour vôtre santé, bonheur et gloire amen.

J'ai l'honneur d'être avec une très profonde et très respectueuse soumission

Monsieur
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Sirven