1757-10-24, de Jean Robert Tronchin à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ay reçeu Mr avant hier la lettre dont vous m'avés honoré le 20, & hier je fus en campagne pour la communiquer à la personne.
Je lui en fis lecture, bien loin de la regarder comme un songe, il en a été enchanté, il trouve le plan admirable, il l'adopte en entier, à l'exception de l'usage que vous voudriés faire de sa personne en le mettant à la tête de la négociation. Il n'a besoin ni d'honneurs ni de biens et comme vous Mr il ne songe qu'à vivre en E. philosophe. Il se chargera très volontiers de la lettre de Madame la Margrave, il l'apuyera, et il pense qu'elle feroit très bien dans la lettre qu'elle lui écrira d'y mettre les sages réflexions que vous employés Mr dans la vôtre concernant l'agrandissement de la maison d'Autriche, elle feroit bien encore de dire à la personne q̲q̲ue chose de flatteur pour l'abbé de Bernis qui a les affesétrangères, et le plus grand crédit à la Cour. Apparemment dit il que si ce projet s'exécute le paquet de Madame la Margrave lui parviendra par vous Mr. Je lui ai répondu que vous suivriés la même route commencée. Il est bien content des vers galans que vous avés fait pr Made de Monferrat & très sensible à toutes les politesses dont vous l'avés comblée. Si vous usés de comparaison avec la réception faite il y a trois ans, vous devés M. la trouver extre, mais je vous suplie d'observer la circonstance de ses places et les avis qu'il avoit alors de la Cour. Je puis bien vous assurer de la répugnance qu'il avoit et de son penchant à être agréable à tous. Dans cet intervalle de tems, la façon de penser a bien changé, on arrive au vray par la communication des idées, et s'il avoit le plaisir de vous voir àprésent, vous en seriés Mr aussi édifié que vous l'avés été peu. Il y a q̲q̲ue tems que je lui entendis faire publiquement votre éloge & il y avoit des gens de même étoffe que lui.

Mon suffrage sur votre excellente lettre n'est pas d'un grand poids, mais je ne puis assés vous dire combien je suis content et combien je désire que des vues aussi sages, & utiles à l'Europe soient couronnées du succès par la continuation de vos soins éclairés & les suites de votre crédit sur l'esprit du Roy de P. & de Madame sa sœur & leur confiance en vous. De mon côté je ne perdrai pas un instant pour tout ce dont je serai chargé.