le 1er février 1758
La sœur accréditée a écrit et j'ay copie de sa lettre; le frère accrédité a parlé et écrit; mais malheureusement vous n'estes pas le seul instruit de ces confidences; elles circulent dans l'Allemagne et ailleurs; on affecte de dire et de répandre qu'on est arrangé avec nous.
Il faut que les moyens (tout usés qu'ils sont) servent à quelque chose, puisqu'on daigne encore les employer. Le sort des armes dépend beaucoup de l'habileté des généraux et de quelques hazards; mais la gloire des princes ne dépend que d'eux mêmes; le Roy ne trahira jamais ses alliés; c'est les trahir que de traiter sans eux. Nous n'avons dans cette guerre que les obligations que nous imposent les devoirs de garants de la paix de Westphalie et d'alliés des cours de Viene et de Saxe. Qu'on restitüe le bien d'autrui; qu'on dédomage les estats qu'on a rüinés; que le droit de convenance, que le droit du plus fort, ou du plus heureux, ne décide pas à l'avenir du sort de ses voisins, et je promets au vieux suisse que la paix sera bientôt rétablie, et que je ne la troublerai jamais par des projets ambitieux.
Cette santé brillante que vous m'avés vu autre fois a été fort altérée depuis un an. Je ne croyois pas aux maux de nerfs; j'en ay été convaincu par mon expérience. Cependant je commence à estre beaucoup mieux et je suis presque en estat de soutenir Le fardeau trop pesant qu'on a mis sur mes épaules. Je serai très aise dans vos moments perdus que vous me donniés de vos nouvelles. Je ne cesserai jamais de m'intéresser sincèrement à votre bonheur.
Avés vous vu les Rubans qu'on a distribüés à Hambourg et ailleurs: l'aigle prussien armé de foudres écrase quatre colomnes, dont deux fort grandes représentent la Russie et la maison d'Autriche, deux fort petites représentent la France et la Süede: de peur qu'on ne s'y trompe, chaque colomne porte l'écusson des armes de chaque puissance.