1769-04-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Voici, mon divin ange, ma réponse à la Kain, et aux idées du tripot, dont quelques unes sont bonnes, et d'autres très mauvaises.
La vie est courte. J'attends avec impatience le manuscrit que je vous ai demandé.

Béni soit cependant le duc de Parme, béni soit le comte d'Aranda, béni soit le comte de Carvalho qui a fait incarcérer l'évêque de Coimbre, lequel évêque avait fourré mon nom assez mal à propos dans un mandement séditieux, s'en prenant à moi de ce que les yeux de l'Europe commençaient à s'ouvrir. Son mandement a été brûlé par m. le bourreau de Lisbonne; mais à Paris la grand’-chambre a fait brûler le poème de la loi naturelle, l'ouvrage le plus patriotique, et le plus véritablement pieux qu'ait notre poésie française. Cette bêtise barbare est digne de ceux qui ont voulu proscrire l'inoculation. Les Welches seront longtemps welches. Le fond de la nation est fou et absurde; et sans une vingtaine de grands hommes je la regarderais comme la plus indigne des nations.

Je tremble beaucoup pour le mari d'une très aimable femme que made Du Deffant appelle sa grand'maman, et que made Denis alla voir en revenant à Paris. J'ai peur qu'il n'y ait des changements qui vous seraient désagréables, et dont je serais extrêmement affligé. Cependant il faut s'attendre à tout, et être bien sûr de tout regarder avec des yeux philosophiques.

J'espère que mes anges seront toujours aussi heureux qu'ils méritent de l'être.

Mr du Tillot n'est il pas toujours premier ministre de Parme? mais n'a-t-il pas un autre nom et un autre titre?