1769-04-26, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Carloman de Rulhière.

Je vous remercie, Monsieur, du plus grand plaisir que j'aie eu depuis longtems; j'aime les beaux vers à la folie, ceux que vous avez eu la bonté de m'envoier sont tels que ceux que l'on fesait il y a cent ans lorsque les Boileau, les Molieres, Les Lafontaine étaient au monde.
J'ai osé dans ma dernière maladie écrire une Lettre à Nicolas Despréaux. Vous avez bien mieux fait, vous écrivez comme lui.

Le jeune bachelier qui répond à tout venant sur l'essence de Dieu, les prêtres irlandais qui viennent vivre à Paris d'arguments et de messes, le plus grand des torts est d'avoir trop raison, la justice qui se cache dans le ciel tandis que la vérité s'enfonce dans son puits etc a, sont des traits qui auraient embelli les meilleures épîtres de Nicolas.

Le portrait du sr D'Aube est parfait. Vous demandez à vôtre Lecteur

S'il connait par hazard le contradicteur Daube
Qui daubait autrefois et qu'aujourd'hui l'on Daube
Et que l'on Daubera tant que vos vers heureux
Sans contradiction plairont à nos neveux.

Oui, vraiment, je l'ai fort connu, et reconnu sous vôtre pinceau de Téniere. Si vous vouliez, Mr, vous donner la peine à vos heures de loisir de relimer quelques endroits de ce très joli discours en vers ce serait un des chefd' œuvre de nôtre langue.