8e janv: 1773, à Ferney
Vôtre Lettre sur la Langue et sur la musique, mon cher ami, est bien précieuse.
Elle est pleine de vues fines, et d'idées ingénieuses. Je ne connais guères la musique de Corelli. J'entendis autrefois une de ses sonates, et je m'enfuis, parce que celà ne disait rien ni au cœur, ni à l'esprit, ni à mon oreille. J'aimais mille fois mieux les noëls de Mouton, et de Roland Lassé.
Ce Corelli est bien postérieur à Lulli, puisqu'il mourut en 1734. Si vous voulez avoir un modêle de récitatif mesuré italien, avant Lulli, absolument dans le goût français, faittes vous chanter par quelque basse taille le sunt rosœ mundi breves, de Carrissimi. Il y a encor quelques vieillards qui connaissent ce morceau de musique singulier. Vous croirez entendre le monologue de Roland au 4e acte.
Vous pourez d'ailleurs trouver quelques contradicteurs, mais vous ne trouverez que des lecteurs qui vous estimeront.
J'attends avec impatience la traduction des odes d'Horace. Il est juste que je présente à ce traducteur si digne de son auteur, et à son aimable frère, une certaine épitre à cet Horace que vous n'avez vue que très incorrecte.
Made Denis vous fait mille compliments. Le vieux bavard qui a osé écrire à Horace, vous aime de tout son cœur.
V.