1769-03-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher ange, j'ai envoyé à ma nièce une espèce de testament moitié sérieux, moitié gai.
C'est une Epitre à Boileau dans laquelle je fais mes remerciements à mr de St Lambert. J'attends la décision de mes anges pour savoir si mon testament est valable. J'y ajouterai tous les codicilles qu'ils voudront.

Mon ange ne me dit rien du tripot (je parle du tripot de la comédie), de la nouvelle pièce de du Béloi, des querelles des acteurs, et des auteurs, des talents de mlle Vestris, de sa réception. Pour moi, je n'ai d'autre nouvelle à mander sinon qu'il neige autour de moi, et que la neige me tue.

Vous avez lu sans doute les Saisons de St Lambert. Je l'ai remercié dans mon testament adressé à Nicolas. Je ne sais si ma tête est jeune, mais mon corps est bien vieux. Si je ne m'amusais pas à faire des testaments je serais bientôt mort d'ennui. Votre amitié me fait prendre la fin de ma vie en patience. Portez vous bien vous et made D'Argental. On ne vit pas assez longtemps. Pourquoi les carpes vivent elles plus que les hommes? cela est ridicule.

V.