1763-03-14, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Nous avons ressenti au milieu de nos quatre pieds de neige, un singulier plaisir, quand nous avons appris que nos huit juges de Toulouse avaient un pied de nez, et qu'il fallait qu'ils rendissent compte de leur bel arrêt.
Nous ne vous avons pas peu d'obligations, mes divins anges, et nos huguenots vous bénissent de tout leur cœur. Je ne peux m'empêcher d'écrire un petit mot de remerciement, à m. le duc de Praslin, et j'en charge vos mains angéliques.

J'ai des gardes à vue; mais rien ne tient contre nos neiges. Il faut espérer que le printemps me raccommodera ma visière; mais songez à la vôtre; car quelque gai qu'on puisse être, il est triste d'être quinze-vingt.

On ne dit pas de bien de Théagene et de Cariclée; vous savez que c'était par là que Racine avait commencé; je souhaite à m. Dorat qu'il finisse par une Phedre.

Je ne sais si vous avez lu la lettre du Bacha de Bonneval que vous m'avez envoyée. On pourrait en y corrigeant quelque chose la rendre curieuse et intéressante.

M. le premier président de la Marche, dit que si vous êtes mes anges, vous êtes ses archanges. Je le voudrais aussi philosophe qu'il est homme de bien. Je vous prie de lui dire combien je lui suis attaché. Je ne vous envoie point de Pompignades, on m'a pris tout ce que j'en avais. Il faudrait que frère D'Amilaville, ou frère Thiriot, les fit imprimer à Paris; rien n'est plus aisé, c'est l'affaire de deux heures.

Made Denis est toujours malade, et j'ai peur qu'elle ne le soit longtemps. Claude Dupuis et Marie Corneille sont à vos pieds et moi aussi. Et le tripot au diable.

V.