7e février 1769, à Ferney
On m'a dit, Monsieur, qu'on voulait réimprimer en Hollande la nouvelle édition du siècle de Louïs 14 et de Louïs 15 faitte à Genève et qui paraît actuellement à Paris avec quelque succez.
Si c'est vous qui la réimprimez je vous avertis que cet ouvrage est tout rempli de fautes typografiques. Il y a un errata imprimé à la fin de chaque volume, mais cet errata est très insuffisant. En voicy un nouveau absolument nécessaire.
Si ce n'est pas vous qui vous chargez de cette édition je vous prie de vouloir bien communiquer cet Errata à celui de vos confrères qui fait l'entreprise; vous rendrez service au public et à moi.
Aureste, je souhaitte passionnément que ce soit vous qui fassiez au Siècle de Louïs 14 l'honneur de l'imprimer.
J'ai une prière plus sérieuse et plus importante à vous faire, c'est de vouloir bien empècher qu'on déshonore mon nom en le mettant dans la longue liste des ouvrages suspects qu'on débite en Hollande. Mon nom ne rendra pas ces ouvrages meilleurs et n'en facilitera pas la vente. J'aurais trop de reproches à me faire si je m'étais amusé à composer un seul de ces ouvrages pernicieux. Nonseulement je n'en ai fait aucun, mais je les réprouve tous, et je regarde comme une injure cruelle l'artifice des auteurs qui mettent sous mon nom ces scandaleux écrits. Ce que je dois à ma religion, à ma patrie, à l'académie française, à l'honneur que j'ai d'être un ancien officier de la maison du Roi, et surtout à la vérité, me force de vous écrire ainsi, et de vous prier très instamment de ne pas souffrir qu'on abuse de mon nom d'une manière si odieuse. Vous êtes trop honnête homme pour me refuser cette justice.
J'ai l'honneur d'être, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur.