Au château de Ferney, par Geneve, 25 janvier 1769
Monsieur le prince,
Je suis pénétré du souvenir de votre excellence.
Vous avez bien raison si vous me comptez dans le nombre des Français qui vous sont véritablement attachés….
L'inoculation dont l'impératrice a tâté en bonne fortune et sa générosité envers son médecin, ont retenti dans toute l'Europe. Il y a longtemps que j'admire son courage et son mépris pour les préjugés. Je ne crois pas que Moustapha soit un génie à lui résister. Jamais philosophe ne s'est appelé Moustapha. On me dira peut-être qu'avant ce siècle il n'y avait point de philosophe nommé Catherine; mais aussi je veux qu'elle s'appelle Thomiris et qu'elle donne bien fort sur les oreilles à celui qui possède aujourd'hui une partie des états de Cirus. J'ai eu l'honneur de lui marquer que si elle prend Constantinople, j'irai avec sa permission m'établir sur le Propontide: car il n'y a pas moyen qu'à soixante et quinze ans j'aille affronter les glaces de la mer baltique.
Je crois qu'il y a un prince de votre nom qui commandera une armée contre les musulmans. Le nom de Gallitzin est d'un bon augure pour la gloire de la Russie.
Je ne crois point ce que j'ai lu dans des gazettes que des canonniers français sont allés servir dans l'armée ottomane. Les Français ont tiré leur poudre aux moineaux dans la dernière guerre, oseront ils tirer contre l'aigle de Catherine Thomiris?
J'ai l'honneur &c.