à st Germain le 10 xbre 1768
Toutes les muses et toutes les grâces monsieur, se sont engagées à conduire éternellement votre plume: je suis enchanté de l'ouvrage que vous venés de m'envoyer; indépendamment de l'intérêt et du charme que vous répandés sur toutes vos productions, j'y ai remarqué beaucoup de circonspection et de sagesse, et ce qui m'a fait encor plus de plaisir, l'âme d'un bon et vrai citoyen.
Si j'en trouve jamais l'occasion je répéterai au Roi cette phrase: il falloit des secours de finance et le parlement se rendoit dificile sur l'enregistrement des édits qui ordonnoient la perception de deux vingtièmes. On a été obligé depuis d'en payer trois, parceque lorsqu'on a la guerre, il faut que les citoyens combattent ou qu'ils payent ceux qui combattent; il n'y a pas de milieu. Il faut vous savoir gré des efforts que vous faites pour faire valoir les progrès de l'esprit humain dans le siècle de Louis XV. Pour moi, je m'en tiens à cette phrase: on a beaucoup écrit dans ce siècle, on avoit du génie dans l'autre. Vous en avés et beaucoup sans doute dans celui-ci, mais après vous, qui? Vous m'obligerés de me le dire.
J'ai l'honneur d'être très parfaitement Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur
Le Duc de Noailles