1768-08-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Louis Claude Marin.

J'ai été un peu à la mort, mon cher Monsieur; un petit tour de broche de plus on aurait dit, il est mort, mais celà n'est rien; sans celà je vous aurais bien remercié sur le champ de la petite réponse de Mr Linguet, au modeste Lablétrie.
Mr Linguet me parait un Français plein d'esprit, et La Blétrie. un Welche assez impertinent. Il prétend que j'ai oublié de me faire enterrer; c'est ce que je n'oublie point du tout, car je me suis fait bâtir un petit tombeau fort propre de bonne pierre de roche qui d'ailleurs est d'une simplicité convenable. Mais comme il faut toujours être poli, je dis au sr de la Blétrie,

Je ne prétends point oublier
Que mes œuvres et moi nous avons peu de vie;
Mais je suis très poli, je dis à La Bletrie,
Ah monsieur, passez le premier!

On dit que la mortalité est fort grande sur les ouvrages nouvaux; mais Dieu merci nous avons un bon mercure. Ce mr Lacombe est un homme qui a beaucoup d'esprit. Son prédécesseur était un bœuf, qui dit-on labourait fort mal sa terre. Je vous souhaite prospérité, santé, argent et plaisir. Je vous aime une fois plus depuis que je sais que vous avez été visiter les saints lieux.

J'ai vu un petit livret où il me parait prouvé que nôtre saint père le pape n'a nul droit de suzeraineté sur le roiaume de Naples.

Non nostrum inter vos tantas componere lites.