1769-04-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean François de La Harpe.

Nostræ spes altera scenæ,

Je suis très fâché que vous enterriez vôtre génie dans une traduction de Suetone, auteur, à mon gré, assez aride, et anecdotier très suspect.
J'espère que vous ne direz pas dans vos remarques que vous renoncez à faire des vers, ainsi que l'a dit nôtre ami La Blétrie. Il est plaisant que La Blétrie s'imagine avoir fait des vers.

Voicy un petit paquet pour vôtre mercure. S'il me tombe quelque rogaton sous la main je vous en ferai part; mais j'aimerais bien mieux que le mercure eût à parler d'une nouvelle Tragédie de votre façon, nous avons besoin de beaux vers beaucoup plus que de Suetone.

J'ai eu douze accez de fièvre, j'ai été sur le point de mourir, et je disais, le théâtre français est mort de son côté si monsieur de Laharpe n'y met la main. Il a fallu passer par les cérémonies ordinaires, vous savez que je ne les crains pas, quoique je ne les aime point du tout. Mais il faut remplir ses devoirs de citoien. Ceux de l'amitié me sont bien plus chers.