31 Mars 1773 à Ferney
Monseigneur,
Je serais bien coupable de n’avoir point écrit à Vôtre Altesse Sérénissime, et de ne l’avoir point félicité sur son heureux mariage; je me condamnerais moi même bien sévêrement si en effet j’avais pu vous écrire; mais quand on a cinquante accez de fièvre à l’âge de près de quatrevingt ans, il est difficile de remplir ses devoirs.
Le Roi de Prusse m’a fait un portrait charmant de Madame La Landgrave. Il dit que c’est de toutes ses nièces la plus belle et la plus aimable. Jouïssez de vôtre bonheur; vous avez trouvé l’agréable et l’utile.
La même personne qui m’avait donné une Lettre pour Vôtre Altesse Sérénissime il y a plus de quatre mois, m’en donna une seconde dans le même goût lorsque vous alliez à Berlin. Ma discrétion encor plus que ma maladie m’empêcha de vous l’envoier. Je crus que ni la chose, ni le temps n’étaient convenables, et que si cette Lettre tombait entre d’autres mains que les vôtres elle pourait faire un très mauvais effet. Cependant, si vous l’ordonniez je vous l’enverrais; mais je ne crois pas que vous me l’ordonniez. Tout ce que je sais, c’est que je maudis ma destinée, mes souffrances et mon âge, qui me privent de la consolation de venir me mettre à vos pieds.
Je vous remercie de vos graines. Je ne mangerai pas longtemps de ce qu’elles produiront, mais ce sera en bénissant la main qui m’en a gratifié.
Que vôtre Altesse Sérénissime agrée avec sa bonté ordinaire, le profond respect et l’inviolable attachement du vieux malade de Ferney.
V.