1768-08-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Frédéric Gabriel Christin.

Mon cher avocat, mon cher philosophe, je ferai tout ce qu'on voudra et quand on voudra.
Je ne connais point ce Législateur Frigole, mais il me parait évident qu'il n'y a pas l'ombre de donation dans tout cecy. C'était autrefois vôtre avis; il me semble que vos premières idées sont toujours meilleures que les dernières des autres. Un prince souverain étranger stipule une pension en monoie d'Empire. Je voudrais bien savoir ce que les sangsues des domaines du Roiaume de France ont à dire à cela; Chose promise, chose due. S'il refusait de paier dans l'Empire on l'actionerait en France, alors on controllerait, et on paierait aux fermiers du domaine ce malheureux controlle.

Toutes les craintes qu'on témoigne me semblent entièrement chimériques. D'ailleurs, l'objet le plus fort, qui est de deux cent mille livres, a été duement controllé et insinué. Faut-il paier deux fois la même chose? et ne suffirait-il pas que made Denis mit au bas du contract qu'elle accepte la rente? Pour moi, c'est mon avis.

De plus, comment faire avec M: L'Electeur palatin qui a fait le même marché signé à Manheim? Ce n'est point un contract, c'est un simple acte; il vaut contract à Colmar où il n'y a point de controlle.

Enfin il n'est pas présumable que des souverains veulent se déshonorer pour si peu de chose, celà est dans le range des impossibilités morales. J'écris sur cette affaire à made Denis, après quoi je serai à vos ordres.

Je me flatte que vous avez écrit à mr Le Riche et que je vous verrai arriver au mois de septembre avec un beau coq de perdrix. Le pauvre solitaire que vous nous avez aportée s'ennuie de n'avoir point d'amant. J'ai préparé ma petite faisanderie. Adieu, mon cher ami, je recommande toujours la vérité zèle. Méprisez les sots, détestez les fanatiques et aimez moi.

V.