1767-03-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Frédéric Gabriel Christin.

Mon cher philosophe, vous avez dû recevoir dix éxemplaires de nôtre commentaire.
Mr De Servant, avocat général de Grenoble, a fait un discours très patétique sur le mème sujet; il est imprimé, et vous l'avez peut être vu. La raison et l'humanité commencent à percer de tous côtés. L'Impératrice de Russie m'écrit ces propres mots, ‘malheur aux persécuteurs, ils méritent d'être mis au rang des furies [’]. Mais tandis que la raison parle, le fanatisme heurle. On poursuit Fantet, on en poursuit bien d'autres. Mr Le Riche se signale en faveur de Fantet; j'espère qu'il viendra à bout de mettre un frein à la persécution. Après ces petits préliminaires il faut que je vous consulte sur la manière dont on peut se tirer d'affaire dans le cas que je vais vous exposer.

J'ai fait un contract sous seing privé avec un païsan pour un échange, à condition que le contract serait rédigé par devant notaire à la première sommation de l'une des parties. Un de ses enfans a consenti au contract; ni le père, ni le fils ne pouvaient signer, ils ont fait leurs marques en présence de témoins. Je leur ai paié cent écus de plus value.

Lorsque nous étions prêts de faire le contract par devant nôtaire, le païsan est mort. Son fils qui avait fait sa marque au bas de l'acte, et son frère, tous deux très majeurs, ont jouï pendant six ans du champ qui leur a été cédé en échange et de l'argent qui leur a été délivré. Un chicaneur leur a conseillé depuis peu de revenir contre cet acte; ils me menacent de me faire assigner; que dois-je faire mon maître?

Made Denis vous fait bien ses compliments; je vous embrasse de tout mon cœur; écrasez l'infâme.

Brillon est venu demander au greffe de Porami la déclaration que fit il y a longtemps entre vos mains Ravanas, de ce qu'il devait aux hoirs Brochet p. le loier de la maison qu'il tient de ces hoirs, laquelle rente Brillon a fait saisir entre les mains du dit Ravanas. Nous n'avons point pu trouver cette déclaration. Si vous l'aviez encor voudriez vous l'envoier, on vous serait infiniment obligé.