14e Mars 1767
Le diable est déchainé, mon cher ami, et quand on n'est pas aussy fort que l'archange Michel qui le battit si bien, il faut faire une honnête retraitte.
Il est très prudent à vous de ne point envoier à Dijon des armes offensives qui pouraient tomber entre les mains des ennemis. Il faut attendre qu'il y ait une trêve pour avoir des correspondances sûres.
Je trouve qu'on fait beaucoup d'honneur au parlement de Besançon, en avouant qu'il n'est pas persécuteur; mais je crois qu'on se trompe en regardant comme tel le parlement de Dijon. J'espère que Fantet y sera traitté aussi favorablement qu'il l'aurait été dans vôtre province.
J'écrirai à des amis qui prendront sa deffense. Avertissez moi quand Fantet sera à Dijon et quand il faudra agir. J'y mettrai tout mon savoir faire. J'ay la main heureuse. L'affaire des Sirven prend le train le plus favorable, et quoi qu'on en dise, et quoi qu'on fasse la raison et l'humanité l'emportent sur le fanatisme. Puisse la France imiter bientôt la Russie et la Pologne. L'Impératrice de Russie et le Roi de Pologne me font l'honneur de m'écrire de leur main qu'ils font tous leurs éfforts pour établir la plus grande tolérance dans leurs états. Ils poussent l'un et l'autre la bonté jusqu'à me dire que mes faibles écrits n'ont pas peu contribué à leur inspirer ces sentiments. Ma patrie ne va pas encor jusques là; mais la dernière avanture du bureau de Colonge prouve assez les progrès de la raison.
On aura soin, mon cher ami, de vous paier tous vos déboursés. Tâchez de me faire parvenir des honnêtetés à mr Le Riche, et quelques questions. Mille tendres amitiés.