15e juillet 1768, au châtau de Ferney
Madame,
La femme du protecteur est protectrice; la femme du ministre de la France poura prendre le parti des Français contre les Anglais avec qui je suis en guerre.
Daignez juger, Madame, entre Mr Walpole et moi. Il m'a envoié ses ouvrages dans lesquels il justifie le tiran Richard trois, dont ni vous, ni moi ne nous soucions guères. Mais il donne la préférence à son grossier boufon Shakespear sur Racine et sur Corneille, et c'est de quoi je me soucie beaucoup.
Je ne sais par quelle voie mr Walpole m'a envoié sa déclaration de guerre. Il faut que ce soit par Monsieur le Duc De Choiseul, car elle est très spirituelle et très polie. Si vous voulez, Madame, être médiatrice de la paix il ne tient qu'à vous; j'en passerai par ce que vous ordonnerez. Je vous suplie d'être juge du combat. Je prends la liberté de vous envoier ma réponse. Si vous la trouvez raisonable, permettez que je prenne encor une autre liberté: c'est de vous suplier de lui faire parvenir ma lettre, soit par la poste soit par Monsieur le Comte du Châtelet.
Vous me trouverez bien hardi, mais vous pardonnerez à un vieux soldat qui combat pour sa patrie, et qui, s'il a du goût, aura combattu sous vos ordres.
Agréés madame la sincère estime, la reconnaissance et le profond respect
du vieillard des Alpes