1768-03-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacques de Rochefort d'Ally.

Vous m'avez envoyé, monsieur, du vin de Champagne quand je suis à la tisane; c'est envoyer une fille à un châtré.
Je comptais au moins avoir la consolation d'en boire quelques verres avec vous, si vous pouviez passer par notre ermitage. Mais made Denis part cette semaine pour Paris pour des affaires indispensables et moi je serai obligé dès que je pourrai me traîner, d'aller consommer avec m. le duc de Wirtemberg une affaire épineuse, dont dépend la fortune qui me reste et celle de ma famille entière.

J'envoie à m. de Chenevieres ce que vous demandez. M. le duc de Choiseul et m. Bertin en ont été très contents. L'auteur qui est inconnu souhaiterait que m. le contrôleur général en fût un peu satisfait.

J'ai été très affligé que m. Delaharpe ait donné un certain second chant. Il savait qu'il ne devait jamais paraître; il l'a pris dans ma bibliothèque sans me le dire. Cette imprudence a eu pour moi des suites très désagréables. Je lui pardonne de tout mon cœur; il n'a point péché par malice. Je l'aime; j'ai été assez heureux pour lui rendre quelques services et je lui en rendrai tant que je serai en vie.

Mes respects à made de Rochefort. Si je suis en vie l'année qui vient et si vous allez dans vos terres, n'oubliez pas, monsieur, un solitaire qui vous est dévoué avec un attachement inviolable.

P. S. Voici ce qu'on m'envoie de Lyon: je vous en fais part comme à un homme discret dont je connais la sagesse et les bontés. Pourriez vous, monsieur, me faire savoir des nouvelles de la santé de la reine?