1768-01-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Daniel Marc Antoine Chardon.

Monsieur,

Souffrez qu'en vous renouvellant mes hommages et mes remerciements au commencement de cette année, je vous félicite sur la victoire que vous venez de remporter.
Le Roi en a usé avec vous comme il le fallait. Il vous rend justice comme vous l'avez rendue. On m'aprend que cette petite tracasserie des chambres assemblées n'a pas relenti vôs bontés pour les Sirven. Tout a conspiré contre cette famille malheureuse, jusqu'à son avocat au conseil qui est mort lorsque vous alliez raporter cette affaire. Mais plus elle est persécutée par la nature, par la fortune, et par l'injustice, plus vous daignerez emploier vôtre ministère et vôtre éloquence à la tirer d'opression.

Je me flatte que vous avez enfin reçu cette apologie de l'arrêt de Toulouse contre les Calas. Elle ressemble à l'apologie de la st Barthelémi par l'abbé de Caveirac, et au panégirique de la vérole par Mr Robé.

La famille Sirven trouvera aisément un autre avocat au Conseil que Mr Cassen, mais elle ne trouvera jamais un raporteur et un juge plus capable de mettre au grand jour son innocence, et de consoler une calamité si longue et si déplorable.

J'ai l'honneur d'être avec le plus grand respect et le plus sincère dévouement

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire