25e xbre 1767
En qualité de vieux feseur de vers, mon cher ami, je voudrais avoir fait les deux épigrammes qu'on m'a envoiées, et surtout celle contre Pirrhon, qui venge un honnête homme des insultes d'un fou, mais pour les vers contre Mr D'Orat, je les condamne quoi que bien faits.
Il ne faut point troubler les ménages; on doit respecter l'amour, on doit respecter encor plus la société. Il est très mal de m'imputer ce sacrilège. Je n'aime point d'ailleurs à nourir les enfans que je n'ai point faits. En un mot, j'ai beaucoup à me plaindre, le procédé n'est pas honnête.
Oui vraiment, j'ai lu le galérien; il y a des vers très heureux, il y en a qui partent du cœur, mais aussi il y en a de pillés. Le stile est facile, mais quelquefois trop incorrect. La bourse donnée par le galérien à la Dame ressemble trop à Nanine. Le vieux prédicant est un infâme d'avoir laissé son fils aux galères si longtemps. La reconnaissance pèche absolument contre la vraissemblance. Le dernier acte est languissant; la pièce n'est pas bien faitte, mais il y a des endroits touchants. L'auteur me l'a envoiée, je l'ai loué sur ce qu'il a de louable.
Il paraît une nouvelle histoire de Louïs 13 que je n'ai pas encor lue. Celle de Levassor doit être dans la bibliothèque du Roi comme Spinosa dans celle de Mr l'archevèque.
Je vous ai déjà mandé, mon cher confrère en Melpomène, que j'ai envoié à Mr De La Borde, Pandore avec une grande partie des changements que vous désirez; le tout accompagné de quelques réflexions qui me sont communes avec maman. Elle s'est gorgée de vos huitres. Je suis toujours embrassé de savoir comment les huitres font l'amour, cela n'est encore tiré au clair par aucun naturaliste.
J'attends avec bien de l'impatience l'ouvrage de Mr Anctil; j'aime Zoroastre et Brama, et je crois les Indiens le peuple de toute la terre le plus anciennement civilisé. Croiriez vous que j'ai eu chez moi le fermier général du Roi de Patna? Il sait très bien la langue courante des Brames, et m'a envoié des choses fort curieuses. Quand on songe que chez les Indiens le premier homme s'apelle Adimo, et la première femme d'un nom qui signifie la vie, ainsi que celui d' Eve; quand on fait réflexion que nôtre article leétait a vers le Gange, et qu'Abrama ressemble prodigieusement à Abram, la foi peut être un peu ébranlée; mais il reste toujours la charité qui est bien plus nécessaire que la foi. Ceux qui m'imputent l'épigramme contre mr Dorat n'ont point du tout de charité. L'abbé Guion encor moins, mais vous en avez, et de celle qu'il me faut. Je vous le rends bien et je vous aime de tout mon cœur.