4 décembre [1767]
Mon cher ami, je reçois votre lettre du 28 novembre, et vous devez avoir reçu la mienne du 2 décembre, dans laquelle je vous mandais ce que j'avais fait auprès de m. le duc de Choiseul et de made de Sauvigni.
Je vous rendais compte de ses intentions et de ses raisons. Je lui envoie aujourd'hui une copie de la lettre de m. le contrôleur général du 30 mars. Ma lettre est pour elle et pour m. l'intendant qui m'a fait aussi l'honneur de me venir voir à Ferney. Mais encore une fois vous ferez plus en un quart d'heure à Paris par vous et par vos amis.
Je ne peux encore avoir reçu de réponse de m. le duc de Choiseul.
Je suis bien étonné qu'on ait imprimé à Paris l'essai historique sur les dissidents de Pologne. Je ne crois pas que son excellence, le nonce de sa sainteté ait favorisé cette impression.
On parle de quelques autres ouvrages nouveaux, entre autres de quelques lettres écrites au prince de Brunswick sur Rabelais et sur tous les auteurs italiens, français, anglais, allemands, accusés d'avoir écrit contre notre sainte religion. On dit que ces lettres sont curieuses. Je tâcherai d'en avoir un exemplaire et de vous l'envoyer, supposé qu'on puisse vous le faire tenir par la poste.
Je laisse là l'opéra de Philidor. Je ne le verrai jamais. Je ne veux point regretter des plaisirs dont je ne peux jouir. Tout ce que je sais, c'est que le récitatif de Lulli est un chef d'œuvre de déclamation, comme les opéras de Quinault sont des chefs d'œuvre de poésie naturelle, de passion, de galanterie, d'esprit et de grâces. Nous sommes aujourd'hui dans la boue, et les doubles croches ne nous en tireront pas.
Voici une réponse que je dois depuis deux mois à un commissaire de marine qui a fait imprimer chez Merlin une ode sur la magnanimité. Je suis assailli tous les jours de vingt lettres dans ce goût. Cela me dérobe tout mon temps et empoisonne la douceur de ma vie. Plus vos lettres me consolent, plus celles des inconnus me désespèrent. Cependant il faut répondre, ou se faire des ennemis. Les ministres sont bien plus à leur aise; ils ne répondent point.
Je vous supplie de vouloir bien faire rendre ma lettre, par Merlin, au magnanime commissaire de marine.
J'attends l'édit du concile perpétuel des Gaules; je sais qu'il n'est pas enregistré par le public.
Adieu; embrassez pour moi Protagoras, et aimez toujours votre très tendre ami.
Puisse votre santé être en meilleur état que la mienne!
Je n'ai point encore reçu mon Maréchal de Luxembourg.
Voltaire