11 9bre 1767
J'ai aussi, mon cher ami, une très ancienne colique.
Je suis à peu près de l'âge de m. de Courteilles, et beaucoup plus faible et plus usé que lui. Je dois m'attendre à la même aventure au premier jour. Que cette dernière facétie soit jouée dans mon désert, ou demain, ou dans six mois ou dans un an, cela est parfaitement égal entre deux éternités qui nous engloutissent et qui ne nous laissent qu'un moment pour souffrir et pour mourir.
Je vous plains beaucoup d'avoir perdu votre protecteur; mais vous ne perdrez pas pour cela votre emploi. Vous vous soutiendrez par vos propres forces, et d'ailleurs vous avez des amis. Plût à dieu que vous pussiez, au lieu de votre emploi, avoir un bénéfice simple, et venir philosopher avec moi sur la fin de ma carrière!
Mandez moi je vous prie si m. de Marmontel est revenu à Paris? Le voilà pleinement victorieux et il le serait encore davantage si les chats fourrés de la Sorbonne étaient assez fous pour lâcher un décret. Vous m'avez envoyé deux exemplaires des pièces relatives à Bélisaire; dans l'un il manquait le dernier cahier et dans l'autre il manquait le prémier.
Il n'est pas juste de m'attribuer l'honnêteté théologique quand je ne l'ai pas faite; il faut que chacun jouisse de sa gloire. Ceux qui font ces bonnes plaisanteries sont trop modestes de les mettre sur mon compte. J'ai bien assez de mes péchés sans me charger encore de ceux de mon prochain.
Je ne suis point du tout fâché qu'on ait imprimé ma lettre à Marmontel. J'y traite Cogé de maraud, et j'ai raison; car il a eu la conduite d'un coquin avec le style d'un sot. On peut même imprimer cette lettre que je vous écris, je le trouverai très bon.
Je vous ai prié mon cher ami de me faire avoir par Briasson ou autre, les mémoires du maréchal de Luxembourg; ils me sont d'une nécessité indispensable. Je voue prie d'ajouter au plaisir que vous me ferez, en me les envoyant, celui de me les faire tenir promptement; je vous aurai une véritable obligation. Je vous embrasse de toutes les forces qui me restent.