13e Septembre 1767, à Ferney
Vous me pardonnerez, Monseigneur, si je me sers d'une main étrangère, ma fièvre ne me permet pas d'écrire.
Vous me pardonnerez encor si je vous importune si souvent pour les affaires de Gallien, mais il faut que mes comptes soient apurés avant que je meûre. Il m'est venu voir aujourd'hui avec deux seigneurs espagnols qu'il m'a amenés. Je lui ai demandé s'il n'avait point encor quelques dettes, et il m'a donné le petit mémoire cy joint, de sorte que le tout se monte à la somme de 881lt18s. Ainsi donc, Monseigneur, ce jeune homme vous coûtait par an douze cent livres, indépendamment de sa nourriture et des autres choses nécessaires. Il y a très peu de personnes qui en fissent d'avantage pour leur fils. Ses dépenses me paraissent exhorbitantes pour un jeune homme que vous aviez si bien équipé quand vous me l'envoiâtes. Je n'ai cessé de lui recommander la plus grande retenue, mais je vois qu'il a usé largement de vos bontés. Il faut avouer pourtant qu'il a mis de la discrétion dans sa magnificence, car à l'abri de vôtre protection et de vôtre nom il aurait pu prendre dix mille francs chez les marchands, on ne lui aurait rien refusé. Vous voilà heureusement débarassé de ce fardeau sans qu'il puisse être dégagé de la reconnaissance éternelle qu'il vous doit. Il ne me reste, Monseigneur, que d'attendre vos ordres, et de vous suplier de me continuer vos bontés pour le peu de temps que j'ai encor à en jouïr.
V.