1767-09-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacob Vernes.

Voicy, Monsieur, les paroles de Sanconiathon,

‘Ces choses sont écrites dans la Cosmogonie de Thaut, dans ses mémoires, et tirées des conjectures et des instructions qu'il nous a laissées.
C'est lui qui nomma les vents du septentrion et du midy etc.a… Ces premiers hommes consacrèrent les plantes que la terre avait produites. Il les jugèrent divines, et vénérèrent ce qui soutenait leur vie, celle de leur postérité, et de leurs ancêtres etca.

Aureste, mon cher Monsieur, il se pourait très bien que Sanconiathon eût dit une Sottise, ainsi que des gens venus après lui en ont dit d'énormes.

L'affaire des Sirven n'a pu être encor raportée, parce que Mr D'Ormesson a été malade, dumoins on donne cette excuse, mais il se pourait bien que le crédit des ennemis en fût la véritable raison.

La malheureuse avanture de ste Foi sur les frontières du Périgord, vingt quatre pauvres diables de huguenots décrétés, le fatal édit de 1724 renouvellé dans le Languedoc, et enfin le malheur de Sirven qui n'a point de jolie fille pour intéresser les parisiens, tout celà pourait nuire à la cause de cet infortuné Sirven.

Je vous envoie, mon cher philosophe huguenot, une petite philippique que j'ai été obligé de faire. L'ami Labeaumelle s'en est mal trouvé. Le commandant de la province l'a un peu menacé de la part du Roi du cachot qu'il mérite. Je suis très tolérant, mais je ne le suis pas pour les calomniateurs. Il faut d'une main soutenir l'innocence, et écraser le crime de l'autre.

Je vous embrasse en Jehova, en Knef, en Zeus, point du tout en Athanase, très peu en Jérôme et en Augustin.