1767-01-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence.

Je ne puis encor, Mon cher marquis, vous envoyer cette ode.
Il y a quelques stances qui sont peut être un peu dangéreuses dans le temps présent et qu'on pourrait malignement interpréter. Il faut que je les corrige afin que personne n'ait le prétexte de se plaindre. Mandés moy je vous prie quelle est la datte de votre lettre à Monsrle comte de Périgord, celà m'est important. Je ne sais si je vous ai envoyé la stance qui vous regarde. La voicy.

Qu'il est beau généreux d'Argence,
Qu'il est digne de ton grand cœur
De vanger la faible innonce
Des traits du calomniateur.
Souvent L'amitié chancelante
Resserre sa pitié prudente,
Son cœur glacé n'ose s'ouvrir,
Son zèle est réduit à tout craindre,
Il est cent amis pour nous plaindre
Et pas un pour nous secourir.

Je vous souhaitte une meilleure année qu'à moy. Voicy le temps où les nêges me rendent aveugle et où je souffre de la tête aux pieds.