1767-01-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence.

Je vous écris, mon cher marquis, mourant de froid et de faim, au milieu des neiges, environné de la légion de Flandre et du régiment de Conty, qui ne sont pas plus à leur aise que moi.

J'ai été sur le point de partir pour Soleure avec mr L'ambassadeur de France. J'avais fait tous mes paquets. J'ai perdu dans ce remue ménage l'original de vôtre Lettre à mr le comte de Périgord. Je vous suplie de me renvoier la copie que vous avez, signée de votre main, et sur le champ nous mettrons la main à l'œuvre, et tout sera en rêgle.

Les genevois paieront je crois leurs folies un peu cher; ils se sont conduits en impertinents et en insensés. Ils ont irrité mr le Duc De Choiseuil, ils ont abusé de ses bontés, et ils n'ont que ce qu'ils méritent.

Mr Boursier ne peut vous envoier que dans un mois, ou environ, les bouteilles de Coladon qu'il vous a promises. Ces liqueurs sont fort nécessaires par le temps qu'il fait, elles doivent réchauffer des Cœurs glacés par huit ou dix pieds de neige qui couvrent la terre dans nos cantons.

Conservez moi vôtre amitié, mon cher marquis, la mienne pour vous ne finira qu'avec ma vie.