1765-05-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Jacques Élie de Beaumont.

Je me flatte que mon Ciceron a commencé sa seconde philippique.
Il n'est pas nécessaire, ce me semble, d'avoir la feuille du parlement Toulousain qui confirme la sentence de Mazamet pour que le protecteur de l'innocence et de la raison se livre aux mouvements de son éloquence. Vous aurez la gloire d'avoir détruit de bien cruels préjugés. Mr de Lavaisse le père me mande, que depuis trente ans la canaille catholique du Languedoc est persuadée que la canaille calviniste égorge ses enfans pour les empêcher de communier avec du pain azime. Une vieille huguenote du pais qui s'amusait à consoler les mourants passait pour les égorger tous de peur qu'on ne leur donnât l'extrême onction.

Vous avez dû recevoir les réponses du pauvre Sirven à vos questions. Vous êtes son sauveur, il faudra vous peindre avec les Calas à vos pieds. Pierre Calas veut retourner à Genêve où il fait un petit commerce. Il me semble qu'il serait plus convenable de faire ce commerce à Paris. Ne risquerait-il pas de choquer le gouvernement et de perdre ses bienfaits s'il sortait de France après avoir obtenu une justice si éclatante et un présent de mille écus? S'il veut retourner à Genêve il faut dumoins qu'il en ait une permission autentique, et le ministère en la lui donnant aurait encor une très mauvaise opinion de lui. Je soumets mon avis au vôtre. Mille respects à Mme de Beaumont.