1767-07-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Adrien Michel Hyacinthe Blin de Sainmore.

Je vous fais bien tard mes remerciements, Monsieur; ils n'en sont pas assurément moins sincères.
Un petit voiage et les maladies qui accablent ma vieillesse ne m'ont pas permis de vous dire plutôt avec quelle satisfaction j'ai relu vôtre héroïde, et le plaisir extrême que m'a fait vôtre épître. Si j'étais une jeune et jolie femme je sais bien comment je récompenserais un homme qui m'aurait adressé de si jolis vers; il n'aurait pas à se plaindre de moi. Je n'ai rien vu d'écrit avec plus de grâce. Je suis persuadé que la Dame vous a bien paié de vos peines. Les amants malheureux ne font pas des vers si agréables. Plus je lis ces ouvrages qui sont du meilleur ton plus j'ai bonne opinion de vôtre commentaire sur Racine qui était le poëte du sentiment. J'espêre que nous aurons bientôt l'édition que vous nous avez promise. Ce sera un grand service que vous rendrez à La Littérature; je l'attends avec la plus grande impatience; elle sera l'ornement de ma bibliothèque et l'occupation de mes journées.

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire