12e juin 1767, à Genêve
J'ai vu Mr De Voltaire, Mr, comme vous me l'avez ordonné par vôtre Lettre du 2e juin.
Sa santé décline toujours, et ses sentiments pour vous ne s'affaiblissent pas.
Sirven que vous protégez, est parti avec une Lettre pour vous. Nous nous flattons que vous le présenterez à Mr Cassen, avocat au conseil, et qu'il obtiendra le raport de son affaire. Je n'ai encor aucune nouvelle sur celle de Mr et de Made De Beaumont. Il serait fort triste que nôtre ami succombât. Pouriez vous m'envoier le dernier factum de sa partie adverse?a Voulez vous bien avoir la bonté de faire donner cinquante-trois livres au sieur Briasson?a
La seconde Lettre de Mr de Lemberta se débite à Genêve; mais elle n'est point encor à Lyon. Je ne sais comment je peux faire pour la lui envoier, car il est très sévèrement deffendu de faire passer des imprimés du païs étranger à Paris, quoi qu'il soit permis d'en envoier de Paris chez l'étranger. La raison m'en parait plausible. Les livres imprimés hors de France n'ont ni aprobation ni privilège, et peuvent être suspects; mais les moindres brochures imprimées en France étant imprimées avec permission, et munies de l'aprobation des hommes les plus sages, portent leur passeport avec elles. Ainsi j'ai reçu sans difficulté l'excellent supplément à la philosophie de l'histoire, et l'éxamen de Bélisaire, composés au collège Mazarin; mais je ne crois pas qu'on puisse avoir les réponses à Paris. Il est d'ailleurs très difficile de répondre à ces ouvrages supérieurs qui confondent la raisor humaine.
On a fait en Hollande une 6eédition du dictionaire philosophique. Aparamment que ce livre n'est pas aussi dangereux qu'on l'avait présumé d'abord. On y a jouté plusieurs articles de divers auteurs. J'en ai acheté un éxemplaire. Je vous avoue que j'ai été très content d'y voir par tout l'immortalité de l'âme et l'adoration d'un Dieu. Aureste, il est ridicule d'avoir attribué ce livre à Mr De Voltaire vôtre ami. C'est évidemment un choix fait avec assez d'art, de plus de vingt auteurs différents.
On me mande aussi qu'on imprime à Amsterdam un ouvrage curieux de feu mylord Bolingbroke. Mais il faut plus de trois mois pour que les livres de Hollande parviennent icy par l'Allemagne. Je crois que toutes ces nouveautés vous intéressent moins que les deux vingtièmes. Nous sommes gens de calcul à Genêve, et nous jugeons que la continuation de cet impôt est indispensable parce que l'état doit paier les dettes de l'état.
Aureste nous espérons que nos affaires finiront bientôt, grâce aux bontés de Sa Majesté, qui est aussi aimée et aussi révérée à Genêve qu'en France.
J'ai l'honneur d'être etc.
Boursier