1767-06-09, de Catherine II, czarina of Russia à Voltaire [François Marie Arouet].

Je Vous avoit menaçé d'une lettre de quelque bicoque de l'Asie, je Vous tient parole aujourd'huy.

Il me semble que les Auteurs de l'Anecdote sur Belisaire et de la lettre sur les panégiriques sont proche parent du neveu Bazin. Mais Monsieur ne vaudroit il pas mieux renvoyer tout panégirique des gens après leur mort, peur que tôt ou tard il ne donent un démenti, vuë l'inconséquence et le peu de Habilité des choses humaine? Je ne sai si après la révocation de l'édit de Nantes on a fait beaucoup de cas des panégiriques de Louis XIV. Les réfugiés aux moins n'étoit pas disposés à leurs doné du poid.

Je Vous prie Monsieur d'employer Votre crédit auprès du savant du Canton d'Urie, pour qu'il ne perde pas son tems à faire le mien jusqu'à mon décès. Ces loix dont on parle tant, au bout du compte ne sont point faites encore, et qui peut répondre de leur bontés? S'est la postérité et pas nous en vérité qui serons à portée de décider cette question. Imaginé je Vous prie qu'elle doivent servir pour l'Asie et pour l'Europe, et qu'elle différence de climat, de gens, d'habitude, d'idée même. Me voilà en Asie, j'ai voulu voir cela par mes yeux. Il y a dans cette Ville vingt peuple divers qui ne ce ressemblent point du tout, il faut pourtant leurs faire un habit qui leurs soit propre à tous. Ils peuvent ce bien trouver des principes généraux, mais les détails? et quels détails? J'allois dire, s'est presque un monde à créer, à unir, à conserver etc. Je ne finirai pas et en voilà cependant beaucoup trop de touttes façon. Si tout cela ne réussit pas les lambeaux de lettres que j'ai trouvé çité dans le dernier imprimé paroitront ostentation et que saije moi, aux impartiaux et à mes envieux, et puis mes lettres n'ont été dicté que par l'estime et ne sauroit être bone à l'impression. Il est vrai qu'il m'est bien flatteur et honorable de voir par quel sentimens tout cela a été produit chés l'atteur de la lettre sur les Panégiriques, mais Belisaire dit que s'est là justement le moment dangereux pour mon espèce. Belisaire ayant raison partout s'en doute n'aura pas tort en ceçi non plus. La traduction de ce dernier livre est fini, et va être imprimé. Pour faire l'essai de cette traduction, on la luë à deux persone qui ne conoissoit point l'original; l'un se récria qu'on me crève les yeux pourvu que je sois Belisaire, j'en serai assés récompensés; l'autre dit si cela étoit j'en serais envieux. En finissant Monsieur recevés les témoignages de ma reconaissance pour touttes les marques d'amitié que Vous me donés, mais s'il est possible préservé mes griffonages de l'impression.