à Ferney 25 mai 1771
Madame,
J’ai actuellement dans mon ermitage un de vos sujets de votre royaume de Casan, c’est mr Poliansky.
Je n’ai jamais vu tant de politesse, de circonspection et de reconnaissance pour les bontés de votre majesté impériale. On dit qu’Attila était originaire de Casan. Si la chose est vraie il se peut fort bien que le fléau de dieu ait été un très aimable homme. Je n’en doute pas même, puisque Honoria, la sœur d’un sot empereur Valentinien III devint amoureuse de lui, et voulut à toute force l’épouser.
La cour du roi d’Espagne admire la générosité de mr le comte Alexis d’Orlof, et la reconnaissance du bacha. Pour la cour de Versailles elle n’est occupée que des tracasseries des cours de justices.
Pendant que ces pauvretés welches amusent sérieusement l’oisiveté de toute la France, peut-être dans ce moment votre flotte détruit celle des Turcs, peutêtre vos troupes ont elles passé le Danube.
On dit cependant que votre majesté impériale, à qui le Turc a déjà rendu mr Obreskow, est en train d’écouter des propositions de paix. Pour moi je crois qu’elle n’est en train que de vaincre.
Je me mets à ses pieds avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance.
Le vieil ermite de Ferney