1767-04-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Élisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian.

Famille aimable, je vous embrasse tous.
J'aimerais mieux assurément être Picard que Suisse, et pour comble de désagrément il faudra qu'au mois de may je quitte la Suisse pour la Souabe. Il est comique que le bien d'un parisien soit en Souabe, mais la chose est ainsi. La destinée est une drôle de chose. Je ne dois, ni ne veux mourir avant d'avoir mis ordre à mes affaires.

La destinée des Scithes est à peu près comme la mienne; ce sont des orages suivis d'un beau jour. Ne regrettez point Paris quand vous serez à Hornoy, il n'y a plus à Paris que L'opéra comique et le singe de Nicolet.

Je vois que les deux magistrats resteront à Paris. Je prie le grand Turc de me dire pourquoi le Baron de Tott est à Neufchatel. Il me semble qu'il n'y a nul raport entre Neufchatel et Constantinople.

Quand Mr D'Hornoy rencontrera par hazard mon boiteux de Procureur je le prie de vouloir bien l'engager à recommander au marquis De Lezeau de marcher droit.

Vous trouverez du bled en Picardie; nous en manquons au païs de Gex; il faudra faire une transmigration à Babilone. On ne sçait plus où se fourer pour être bien. Je sçais qu'il faut s'accommoder de tout, mais cela n'est pas aussi aisé qu'on dirait bien.

Je finis comme j'ai commencé, par vous embrasser du meilleur de mon cœur.