1767-03-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Jacques Élie de Beaumont.

Mes yeux ne me permettent pas d'écrire, mon cher Ciceron, je n'ai pas actuellement auprès de moi celui qui vous fait d'ordinaire mes remerciments, mais vous n'enverrés pas moins que j'ai reçu votre mémoire.
Nous L'avons lu, nous avons pleuré. Ou Les hommes seront de Bronze ou les Sirven seront justifiés comme les Calas. La consultation est de la plus grande habileté et d'une bienséance qui fera beaucoup d'honneur à celui qui l'a rédigée. La victoire me parait sûre. Les protestants et les catoliques vous bénirons également et personne assurément ne vous enviera la terre de Canon. On dira qu'il est bien permis au défenseur de L'humanité de se défendre luimême et de réclamer le bien des ancêtres de sa femme. Je vous prie de vouloir bien me faire envoyer par monsieur Damilaville un second éxemplaire. Le premier sera pour Messieurs du conseil de Berne, le second sera signé par Sirven et ses filles. Messieurs de Berne doivent en avoir un parce qu'ils ont promis de Continuer aux Sirvens La petite pension qu'ils veulent bien leur faire pendant qu'ils poursuivront leur procès à Paris et qu'ils ont mis pour condition qu'ils verraient le mémoire par lequel il serait appelé à venir auprès de vous.

Je vous enverrai Sirven et une de ses filles aussitôt que vous L'ordonnerés; il y en a une qui est incapable de faire le voyage; Je ne puis trop vous réitérer mes tendres remerciments. Je vous embrasse cent fois sage et éloquent vengeur de L'innocence.

V.