1767-02-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Henri Louis Lekain.

Mon cher ami, si vous n'avez pas le dernier exemplaire des Scythes que j'ai envoyé pour vous à m. d'Argental, j'en adresse un à m. Marin pour vous le remettre.
Je me flatte qu'il aura cette bonté; et si la multiplicité de ses affaires l'empêche de vous le rendre aussitôt que je le voudrais, je vous prie de le lui demander.

J'espère qu'il ne m'arrivera plus ce qui m'arriva dans Tancrède, où mademoiselle Clairon faillit à faire tomber la pièce en y insérant, ou en y faisant insérer des vers ridicules, tels que ceux-ci:

Voyant tomber leur chef, les Maures furieux
L'ont accablé de traits, dans leur rage cruelle.

Je sais bien qu'au théâtre on ne se soucie guère du style; mais le théâtre devient barbare, et ce n'est pas à moi de fomenter la barbarie.

L'exemplaire que j'envoie est chargé de notes pour l'intelligence des rôles; mais il n'y en a point pour Athamare, parce que vous le jouez: c'est à vous, au reste, à disposer de ces rôles; je vous prie de faire mes très tendres compliments à mademoiselle Durancy, et de dire à m. Molé combien je m'intéresse à son rétablissement.

Je vous embrasse de tout mon cœur,

V.