11 février 1767 à Ferney
J'aime tout à fait, monsieur, à m'entendre avec vous.
Je vous passe l'émétique, comme vous me passez la saignée. Sans doute les deux vers dont vous me parlez sont un peu ridicules, et en général, Cornélie vise quelquefois au plus sublime galimatias, mais aussi, il y a de bien beaux éclairs, des traits de génie, des morceaux même de sentiment qui enlèvent.
Le peu de remarques que j'ai pu faire sur vos remarques, sont sur un petit cahier séparé; j'ai respecté votre ouvrage. Ce que j'ai écrit ne consiste que dans des notes abrégées pour aider ma mémoire lorsque je travaillerai sérieusement à en faire une espèce de poétique de théâtre qui puisse être utile aux jeunes gens. Je pense qu'il y faut mettre beaucoup d'objets de comparaison tant des anciens que des modernes, et que le tout doit être nourri d'un grand fonds de littérature. Je me livrerai à cet ouvrage avec un très grand plaisir lorsque vous m'aurez envoyé le reste de vos remarques. Je ne puis rien faire sans ce préalable. Il ne faut pas que vous abandonniez une entreprise qui peut être très avantageuse aux lettres, très honorable pour vous, et me procurer avant ma mort l'honneur de vous avoir pour confrère; mais dépêchez vous, je me porte fort mal, et j'entre dans ma soixante et quatorzième année. Je conserverai jusqu'à mon dernier moment les sentiments qui m'attachent à vous.
V.