1767-02-03, de Jean François de La Harpe à Henri Louis Lekain.

Il faut que vous m'ayez totalement oublié, mon cher ami, tandis que moi je m'occupe fort de vous, comme vous le verrez bientôt.

Vous êtes un homme bien discret: je suis au fait des Triumvirs; mais il faut les lire pour en reconnaître l'auteur, qui sûrement sera bientôt reconnu: car il ne se cache pas trop. Quelques personnes me les imputent, ces Triumvirs: leur erreur ne sera pas fort longue.

Savez vous que D**, qui avait fait des vers contre m. de Voltaire, lui a écrit une lettre emphatique, pour lui demander pardon, et qu'il lui dit, qu'il a le courage de lui pardonner sa supériorité?

Cette lettre ridicule a rappelé une ancienne épigramme grecque, qu'a traduite un académicien de Lyon.

Epigramme
tirée de l'Anthologie

Un rimailleur ayant fait contre Homère
De mauvais vers qu'il avait cru méchants,
Demandait grâce, avec humble prière,
A l'offensé. J'admire vos talents,
Lui disait il, et suis bien magnanime:
Car je pardonne à votre esprit sublime,
A vos écrits que chérit l'univers.
Par tous les dieux, dont j'ai peint la puissance,
Dit le vieillard à l'animal pervers,
L'effort est grand, et par reconnaissance,
Je ferai grâce à ton impertinence;
Mais je ne puis faire grâce à tes vers.

Vale, ama et scribe.