1767-01-07, de Marie Louise Denis à René Nicolas Charles Augustin de Maupeou, marquis de Morangles.

Monseigneur,

La Dame Denis ayant apris dans le moment, que des amis généreux et respectables ont parlé ou écrit à Monseigneur le vice chancelier sur cette affaire, est obligée de lui dire, que dans leurs bontés prévenantes, ils ne pouvaient en aucune manière être instruits du fait; et s'ils ont dit que la femme Doiret est parents de la femme de charge du château de Ferney, ils ont été trompés par de faux raports.

Aucun de nos domestiques n'a jamais connu La femme Doiret. Notre femme de charge est sœur du boulanger du Roy, nommé Thierry, qui vient d'acheter La charge de président du grenier à sel de Versailles.

Monseigneur est très instamment suplié de le faire interroger par un officier de justice de Versailles. Il verra que la famille de cette femme de charge n'est ni parente, ni alliée, ni connue de cette femme Doiret.

Monseigneur peut aussi éxiger que Monsr L'intendant de Châlons, ou son subdélégué, interroge les Doiret de Châlons.

La femme de charge du château de Ferney se nomme Mathon. Elle est chargée de nourrir plus de cent personnes par jour, et dirige même souvent les travaux de la campagne. C'est une personne infiniment estimable dans son état et qui n'a jamais sçu s'il y a eu au monde des la Métrie, des Frérets, des lords Bolingbroke, des Du Marsais et des Boulangers.

En un mot, il parait que toutes cette avanture est une friponnerie de gens qui ont abusé d'un nom connu pour faire un commerce punissable.

signé Dennis de Ferney

La nommée Doiret de Cha ons est allé en Suisse pour voir une de se parentes et amies qui l'a Chargée de plusieurs papiers qu'elle ne Connoissait point et dont elle ignoroit Entièrement la Conséquence. De là elle est allé à Fernex où elle a une Cousine femme de Chambre de Madame Denis. Après y avoir resté quelques jours n'ayant point de voiture pour se rendre à Collonge, cette cousine à L'insçu de ses Maitres lui en a fait prêter une avec 4 Chevaux, lui a donné un homme pour L'accompagner et faire plomber ses malles. Elle étoit de si bonne foi et y entendoit si peu de finesse qu'elle a Livré ses malles pour cette opération. Il s'est trouvé en les visitant que les papiers dont elle s'étoit chargée Etoient des Livres prohibés en France. Làdessus Les Commis ont saisis la voiture, Les Chevaux, Les malles et se sont Emparés des papiers. La femme craignant qu'on n'en usât de même à son Egard s'est sauvée après avoir déclaré Les faits qu'on vient D'Exposer. L'homme qui L'accompagnait avoit fait une déclaration Contraire par rapport à la voiture et aux malles, mais il n'étoit pas instruit et c'est celle de la femme qui est dans L'Exacte vérité.

Madame Denis Informé de L'avanture a réclamé tout ce qu'on avoit saisi hors les papiers. On n'a consenti à rendre la voiture, Les Chevaux et deux malles qu'à condition de Consigner 50 Louis ce qui a Eté fait. Aujourd'hui il est question de Les faire rendre. Les malles réclamés par Madame Denis contenoient des habits appartenants à Elle et à Monsieur de Voltaire.