29 7bre 1766
Vous semblez craindre, mon cher ami, par votre lettre du 23 que l'on ne fasse quelque difficulté sur le bel exorde que vous avez mis à votre certificat.
Je ne vous en ai pas moins d'obligation, et je la sens dans le fond de mon cœur. Je compte faire imprimer ce certificat avec les autres que j'enverrai à tous les journaux; je n'aurai pas de peine à confondre la calomnie. Il me semble que nous sommes dans le siècle des faussaires; mais mon étonnement est que les faussaires soient si maladroits. Comment peut on insérer dans des lettres déjà publiques des impostures si atroces et si aisées à découvrir? Ce qui me fâche beaucoup, c'est que ces lettres se vendent à Geneve. Madame la comtesse de Brionne, qui daigne venir à Ferney, ne sera-t-elle pas bien régalée de ce beau libelle? Elle y trouvera sa maison outragée. Je ne sais où prendre ce m. Diodati qui me doit un témoignage authentique de la vérité. C'est à lui qu'est écrite la lettre qu'on a si indignement falsifiée, et dans laquelle on a substitué une satire insolente aux justes éloges que je donnais à un prince rempli de mérite.
Je reconnais votre cœur, mon cher ami, à votre empressement de trouver ce Diodati, et de lui faire remplir son devoir. Je ne sais point sa demeure; je lui ai écrit une lettre à cachet volant et je l'ai adressée à m. Marin. Voilà une fort sotte affaire, mais la plupart des affaires de ce monde sont fort sottes, et l'on est bien heureux quand l'atrocité ne se joint pas à la sottise.
Je n'entends point parler du mémoire de m. de Beaumont; mais je reçois tous les jours des reproches de ce qu'il réclame dans l'affaire de sa femme une loi odieuse contre laquelle il s'élève ailleurs. J'avoue que j'aurais voulu qu'il eût támoigné sa douleur de recourir à une telle loi et qu'il eût fait sentire que son unique objet était la lésion faite à sa femme par la vente d'un bien de famille faite à trop vil prix. Le mémoire pouvait être plus adroitement fait qu'il ne l'est, et alors il aurait fait une impression plus favorable sur les esprits. S'il est obligé de faire un nouveau mémoire comme cela peut très bien arriver, je vous supplie de l'engager à se servir de tout son esprit pour détourner l'odieux qu'on s'efforce de jeter sur sa cause. Vous savez si je m'intéresse à m. et mde de Beaumont.
Adieu, mon cher ami, je suis bien malade. Je vous répète que je serai très fâché de mourir sans avoir vu Platon et surtout sans vous avoir revu avec lui. Je vous embrasse de toutes les forces qui me restent. Ecr. l'inf.