19e 7bre 1766 à Ferney
J'ai reçu, monsieur, la traduction de l'éxorde des loix de Zaleucus, l'un des plus anciens et des plus grands législateurs de la Grèce.
C'est un précieux monument de l'antiquité, il sert à prouver que nos premiers maîtres ont toujours reconnu un Dieu suprême qui lit dans le cœur des hommes, et qui juge nos actions et nos pensées. Il n'y a que la malheureuse secte d'Epicure qui ait jamais combattu une opinion si raisonnable et si utile au genre humain. La piété et la vertu sont de tous les temps.
Vous me mandez que vous avez trouvé des barbares indignes de la société des honnêtes gens qui se sont élevés contre ce fragment si respectable. Il est triste que dans nôtre nation, il y ait des gens si absurdes. C'est le fruit de l'ignorance où l'on vit dans la pluspart des provinces, et de la misérable éducation qu'on y a reçue jusqu'à présent. La rouille de L'ancienne barbarie subsiste encor. On trouve cent chasseurs, cent tracassiers, cent yvrognes pour un homme qui lit. C'est en quoi les Anglais, et même les Allemands l'emportent prodigieusement sur nous.
J'ai vu ces jours passez mr Boursier, qui m'a dit qu'il avait fait quelques commissions pour vous. Il ne m'a pas dit ce que c'était. Tout ce que je sçais c'est qu'il vous est attaché comme moi. Soiez bien persuadé, Monsieur, des tendres sentiments de vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire