17e sept: 1766
Mon cher confrère, et mon cher enfant; je vous remercie bien tard, mais j'ai été malade.
J'ai pris les eaux, et pendant ce temps là on n'écrit point. Vous savez aussi peut être, combien j'ai été affligé d'une avanture dont vous avez entendu parler à Hornoy; vous n'ignorez pas tous les bruits qui ont couru. Je suis sûr enfin que vous me pardonnerez mon silence. Comptez que je n'en ai pas moins été sensible à vos succès et à vôtre gloire. Je suis persuadé que vous avez achevé actuellement vôtre Tragédie, car vous travaillez avec la facilité du génie. Je ne sçais si vous aurez des acteurs. Je ne suis sûr que de vos beaux vers. Vôtre ami Mr De Champfort m'a envoié sa pièce académique. Vous avez un frère en lui, vous êtes l'aîné, mais ce cadet me parait fort aimable et très digne de vôtre amitié. Vôtre union fait également honneur au vainqueur et au vaincus. Je voudrais vous tenir l'un et l'autre dans ma retraitte. Je vois que vous n'y viendrez que quand les beaux jours seront passés, mais vous ferez les beaux jours. Vous me trouverez peut être vieilli et triste, vous me rajeunirez et vous m'égaierez. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
V.